les fous sont aux manettes

Gabriel Meunier

une révélation

les fous sont aux manettes


Sur un site d'information, un commentaire relatif à la guerre en Ukraine. Ce "commentaire" était placé juste après un témoignage de médecin suspendu !

L'auteur ne proposait - ni plus ni moins - que Moscou découpe l'Ukraine en deux, construise une ligne de démarcation en béton etc... Cette déclaration se prolongeait par d'autres lignes délirantes

(" bien sûr il faudrait 1 million de soldats : 500 000 pour occuper Kiev, idem pour Odessa). [...]

Ceci dissuadait de poursuivre la lecture. Il faisait beau ; allons nous promener.

Ciel d'un bleu profond, temps froid et sec. Pas de vent ; le chemin se chauffe doucement au soleil. Peu après le départ, un groupe apparait un peu plus loin et marche vers nous ; quelques chiens. Des marcheurs du troisième âge ? Approche plus compliquée. Un chien s'enhardit, avance vers nous. Il n'est pas agressif et la conversation s'engage.


La personne en tête ne m'est pas inconnue ; une femme mince, les yeux pleins d'empathie, elle est responsable du groupe. Comme elle est accompagnée d'un petit agneau, sans laisse, au milieu des autres chiens, nous sommes étonnés, émerveillés. Elle nous explique que ce petit, encore au biberon, n'a plus sa mère ; il s'est attaché à elle. Quelques années auparavant elle a créé une association pour recueillir les animaux qui ont perdu leur maitre (décès accidentel, maladie, "admis" en EHPAD etc...). Bien sûr ovins, porcins, ânes, poules, chèvres, poneys...ne se sont pas fait prier pour partager gîte et couvert.

Sa maison ? une véritable arche de Noé. Les après-midi elle propose, moyennant une participation symbolique, d'accueillir des groupes de tous âges, des "normaux" mais aussi des éclopés de la vie, handicapés ou mal dans leur peau. La visite du gîte les passionne toujours ; caresser un animal est peut-être le meilleur des médicaments.

Aujourd'hui une dizaine d'accompagnants suivent le bout de chemin. Fin d'après midi d'hiver ; peu à peu la lumière, devenue doucement dorée, nous enveloppe. Après quelques paroles apaisantes on se quitte ; le petit groupe s'éloigne, sans agitation, sans bruit. Harmonie parfaite du lieu, des corps et des coeurs.

Nous croisons un peu plus loin le reste des animaux restés à la ferme et qui ne pouvaient venir en promenade. Etrangement, ils sont tous sortis de leur enclos, mais ne s'éloignent pas trop et s'amusent gentiment. Sous le regard complaisant d'un âne, quelques chèvres grappillent les plus belles feuilles d'arbre. On entend le passage de voitures au loin mais chèvres et moutons ne sont guère attirés par la "nationale".

Nous sommes quand même un peu inquiets. Un homme qui promène un petit chien accepte d'engager la conversation. D'abord un peu sur la retenue, il nous avoue que la responsable du gîte - la "bergère" - a peu à peu réussi à faire régner autour du gîte une paix profonde, sorte de communion au sens total, entre tous les animaux et les humains du quartier. Personne n'est inquiet ou pense à mal.

Nous continuons un moment notre promenade ; le soir approche. Nous revenons sur nos pas et passons près des enclos des animaux. De nouveau une scène étonnante ; ils sont tous revenus d'eux mêmes au "bercail", et devisent sagement en silence.

Alors je revois mentalement le commentaire sur la guerre en Ukraine. Pourquoi cette folie meurtrière, cette violence aveugle, aveuglante ? Le petit mouton avait une telle confiance en sa mère adoptive. Le soleil déclinait doucement. Mystères.

Oui, les fous sont aux manettes.

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